La pêche européenne touche les fonds
26 mars 2019
Une étude inédite de BLOOM vient de paraître dans la revue scientifique internationale Marine Policy au sujet du financement illégal de la pêche électrique en Mer du Nord par les Pays-Bas. Cette étude valide scientifiquement l’ampleur du scandale financier induit par le développement de cette méthode de pêche destructrice, que nous avions révélée le 6 novembre 2018 : alors que la Commission européenne a enfin reconnu le 4 février dernier que la majorité des dérogations néerlandaises est illégale et a demandé l’ouverture d’une procédure formelle d’infraction, nous avons démontré qu’au moins 21,5 millions d’euros de subventions publiques ont été alloués au soutien, à la légitimation et au développement de la pêche électrique par les Pays-Bas depuis 2007, malgré l’interdiction de cette méthode de pêche en Europe depuis 1998. L’État batave s’est rendu complice de l’attribution de ces subventions et était, de surcroît, le seul à ne pas avoir publié les aides publiques européennes allouées à ses flottes.
> Lire notre publication scientifique (en anglais)[1]
La pêche électrique a notamment été financée par le biais des deux instruments financiers européens d’aide au secteur de la pêche, à savoir le Fonds européen pour la pêche (FEP, 2007-2016) et le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP, 2014-2020). La parution de cette nouvelle étude arrive à point nommé, le renouvellement du FEAMP étant actuellement en cours de négociation.
Le 3 avril prochain, les 751 eurodéputés seront appelés à se positionner — lors d’un vote à haut risque pour les écosystèmes marins et les pêcheurs artisans — sur l’allocation de plus de six milliards d’euros d’argent public entre 2021 et 2027. Face à l’urgence de mettre un terme aux subventions à la pêche néfastes, BLOOM a lancé une plateforme d’interpellation des Parlementaires européens en prévision de ce vote.
Pour une interdiction des subventions néfastes
Depuis 2015, BLOOM se bat pour que soit respecté l’Objectif de développement durable n°14 des Nations unies, en particulier pour qu’un accord international contraignant interdise les subventions responsables de la surcapacité de pêche et de la surpêche. « Le cas de la pêche électrique est symptomatique de ce qu’il ne faut surtout pas subventionner : des entreprises privées qui recherchent toujours plus de profit au détriment des écosystèmes marins et des pêcheurs artisans » alerte Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’association BLOOM et premier auteur de l’étude. Il continue : « En finançant ces pratiques, on maintient non seulement en place un modèle destructeur des ressources et des emplois, mais on empêche également les pratiques vertueuses d’émerger. Il faut tout changer dans l’utilisation de l’argent public ».
De l’importance de la transparence
« Ce travail n’a été possible que grâce à l’obtention de données qui ont longtemps été cachées par le gouvernement néerlandais et uniquement publiées grâce à la demande de BLOOM. C’est pourquoi la transparence complète de l’utilisation de l’argent public se situe au centre des préoccupations et des actions de BLOOM, comme en témoigne notre récente assignation en justice de l’État français pour excès de pouvoir. Ce dernier refuse de divulguer les données que nous demandons, alors qu’il s’agit d’informations à caractère public » ajoute Valérie Le Brenne, chargée de recherche sur les subventions et doctorante au sein de l’association BLOOM. « Sans transparence, il ne pourra y avoir de politique publique de préservation des ressources vivantes et des emplois. C’est l’un des enjeux majeurs des négociations sur le renouvellement du FEAMP ».
Un agenda international à respecter
Les États membres de l’Union européenne se sont unanimement engagés en septembre 2015 lors de l’Assemblée générale des Nations unies à interdire les subventions responsables de la surcapacité et de la surpêche d’ici 2020. Il est plus que temps de s’y atteler sérieusement et sans détour. Les dérives telles que le subventionnement de la pêche électrique doivent cesser immédiatement et les eurodéputés doivent prendre la mesure de leur rôle historique dans le respect de ces objectifs lors du prochain vote le 3 avril prochain.
Pour aller plus loin
Chronologie express de notre campagne contre la pêche électrique
- BLOOM a révélé en octobre 2017, en portant plainte contre les Pays-Bas, que 83% des licences de pêche électrique des néerlandais étaient illégales. Le 1er février 2019, sur injonction de la Médiatrice européenne, la Commission a confirmé à BLOOM le bienfondé de notre plainte et affirmé vouloir ouvrir une procédure officielle d’infraction contre les Pays-Bas. La décision finale revient au Collège des Commissaires. Jean-Claude Juncker, interrogé par BLOOM, n’a toujours pas précisé quand cette décision serait prise.
- En janvier 2018, BLOOM a révélé que la décision de la Commission européenne d’autoriser l’électricité, considérée jusqu’en 2006 comme une méthode de pêche destructrice, avait été délibérément prise CONTRE les avis scientifiques.
- Le 16 janvier 2018, après un effort hors du commun des équipes de BLOOM, des pêcheurs artisans et d’une coalition d’ONG orchestrée par BLOOM, le Parlement européen vote pour une interdiction totale et définitive de la pêche électrique en Europe.
- En juin 2018, BLOOM obtient le fichier des subventions allouées au secteur de la pêche néerlandais et révèle, en novembre que le développement, majoritairement illégal, de la pêche électrique en Europe, s’est fait à l’aide de 21,5 millions d’euros d’argent public. BLOOM a également porté plainte et demandé l’ouverture d’une enquête pour fraude à l’Office européen de lutte antif fraude (OLAF) au sujet de ces subventions indues.
- Le 6 novembre 2018, sans réponse des institutions à propos des licences et des subventions illégales, BLOOM saisit la médiatrice européenne pour mauvaise administration et renouvelle sa plainte à l’OLAF.
- Sommée de répondre avant le 31 janvier 2019, la Commission européenne finit par confirmer à BLOOM que nos accusations sont fondées : les licences sont illégales et la Direction des pêches de la Commission demande l’ouverture d’une procédure d’infraction à l’encontre des Pays-Bas.
- Le 13 février 2019, le Parlement européen, la Commission européenne et le Conseil de l’UE s’accordent sur une interdiction de la pêche électrique en juin 2021 et sur une réduction massive des dérogations d’ici là.
- Pour retrouver l’ensemble des dates clefs de notre campagne, rendez-vous sur notre page de campagne : www.bloomassociation.org/nos-actions/nos-themes/peche-electrique/la-campagne-de-bloom/.
Plus d’informations sur les subventions publiques et nos programmes de recherche
Plus d’informations sur notre assignation en justice de l’État français
Notes et références
[1] L’intégralité des données utilisées dans le cadre de cette étude ainsi que les scripts des analyses sont disponibles à l’adresse suivante : https://data.mendeley.com/datasets/vv238m6wjh/1.