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22 janvier 2019

BLOOM attaque l’Etat pour excès de pouvoir

Après quatre années de bataille infructueuse pour obtenir des données essentielles de subventions publiques accordées au secteur de la pêche, BLOOM a introduit hier un recours contre l’État pour excès de pouvoir.

Depuis juin 2015, BLOOM réclame sans relâche les données complètes de subventions européennes allouées au secteur de la pêche en France. Un fichier a bien été communiqué à BLOOM mais très incomplet et d’une qualité déplorable le rendant inutilisable.

Après avoir épuisé tous les moyens non contentieux à sa disposition[1] et en l’absence de réponse de l’administration centrale du ministère de l’agriculture,[2] l’association BLOOM se voit contrainte de porter l’affaire en justice afin de briser le mur d’opacité qui interdit aux citoyens l’accès à ces informations cruciales concernant l’usage des fonds publics.

> Lire notre recours auprès du Tribunal administratif de Paris

Un enjeu de près de 500 millions d’euros

La demande porte sur les subventions allouées au secteur de la pêche en France entre 2007 et 2016 par le biais de l’instrument financier européen (le Fonds européen pour la pêche, FEP), soit au minimum 484 millions d’euros, représentant 9% de l’ensemble des fonds structurels accordés au niveau européen pour le secteur de la pêche.[3] Cela fait de la France le troisième bénéficiaire des fonds européens après l’Espagne (1,9 milliards €) et la Pologne (695 millions €). Ce chiffre ne correspond pas à l’ensemble des aides publiques versées au secteur de la pêche puisqu’il ne comprend pas les aides d’État,[4] les aides régionales et les aides indirectes, par exemple la détaxe gasoil.

Le secteur de la pêche est, avec les secteurs du transport maritime et aérien, l’un des plus exemptés de taxation sur les carburants en France puisqu’il jouit d’une double exonération de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) et de la TVA.

Les subventions publiques : le nerf de la guerre pour protéger l’océan et les pêcheurs

Les subventions publiques ont été identifiées comme la principale cause de la surpêche mondiale. En favorisant la surcapacité chronique des flottes, les subventions perverses provoquent systématiquement la surexploitation des ressources. Aujourd’hui en Europe, seuls 12% des stocks de poissons sont exploités durablement[5] et les petits pêcheurs disparaissent inexorablement. En France, le nombre de marins a été divisé par deux en 30 ans.[6]

> Lire notre dossier sur les subventions publiques : « BLOOM attaque l’État pour excès de pouvoir »

Sans transparence, pas de durabilité

Obtenir la transparence totale au sujet des subventions accordées à la pêche est la pierre angulaire d’une gestion saine des ressources publiques. C’est aussi la seule façon de transformer le secteur de la pêche pour faire de l’emploi une priorité. « Le gouvernement utilise toujours l’argument massue de l’emploi pour justifier des politiques publiques qui en réalité le détruisent depuis des décennies. Aujourd’hui, l’urgence est autant sociale qu’écologique : les pêcheurs artisans disparaissent aussi vite que les poissons » commente Claire Nouvian, fondatrice de l’association BLOOM.

« Si nous voulons sauver l’océan et les emplois, il faut savoir qui gagne combien au jackpot des subventions publiques » renchérit Valérie Le Brenne, chargée de mission chez BLOOM et doctorante à l’Université Paris I. « Or en l’état, impossible de faire un bilan précis des aides en France : l’administration se comporte en forteresse de protection des intérêts privés. Au pays de Descartes, il faut se battre pour avoir accès à la matière première permettant d’avoir un débat rationnel. Cette attitude ne peut qu’alimenter la défiance et jeter l’opprobre sur l’administration. C’est plus que regrettable. »

L’engagement de la France à éliminer les subventions nocives d’ici 2020

Le recours déposé par BLOOM auprès du Tribunal administratif doit être suivi par un échange contentieux au cours duquel la DPMA et BLOOM vont présenter leurs arguments. Une fois cette phase terminée, une audience se tiendra en présence d’un rapporteur public qui se prononcera sur la requête. BLOOM aura la possibilité de présenter ses observations. Le jugement – rendu par un ou plusieurs juges administratifs – sera prononcé deux à trois semaines plus tard. BLOOM espère que le Tribunal administratif se prononcera d’ici la fin de l’année 2019. Ce serait un premier pas fondamental pour que la France puisse respecter son engagement d’éliminer d’ici 2020 les subventions qui alimentent la surpêche, la surcapacité de pêche et la pêche illégale (ODD 14.6).[7]

Pour en savoir plus

La France a souscrit aux engagements du « Partenariat pour un gouvernement ouvert » prônant la transparence des données publiques et la collaboration avec la société civile. Jusqu’ici, cet engagement est resté un vœu pieu.

Dans le détail, la demande de BLOOM porte sur la communication des informations concernant la nature des opérations qui ont été financées, le lieu et l’identité du prestataire chargé de traiter les données. Pour justifier son refus de transparence, la DPMA a indiqué à BLOOM que la transmission de ces informations nécessitait la ré-ouverture de la base de données dont la gestion avait été confiée à un prestataire extérieur. Le programme du FEP (Fonds européen pour la pêche) étant terminé, la DPMA ne pourrait plus demander à ce prestataire de telles extractions. Concrètement, cela revient à admettre que l’État n’est plus souverain sur les données publiques.

Chronologie de la guerre d’usure avec l’administration

  • En juin 2015, BLOOM a sollicité la DPMA pour obtenir la liste des bénéficiaires du Fonds européen pour la pêche (FEP) en France. Confrontée aux refus systématiques de l’administration, BLOOM a saisi une première fois la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui s’est prononcée en faveur de BLOOM en 2016 ;
  • Forte de cet avis, BLOOM a renouvelé sa demande à de la DPMA qui nous a transmis un premier fichier… incomplet ! Cette version non actualisée ne comprenait en effet aucune des aides versées en France depuis 2014. BLOOM a aussitôt signalé ce problème à la DPMA qui s’est alors engagée à transmettre la version finalisée en septembre 2016, avant de reporter l’échéance au premier trimestre 2017 ;
  • En juin 2017, BLOOM a découvert que le fichier avait été discrètement publié sur internet. Après vérification de cette dernière version, il s’est avéré que certaines informations cruciales – qui étaient pourtant renseignées lors des précédents programmes européens pour la pêche – n’y figuraient pas. BLOOM a donc de nouveau sollicité la DPMA qui, après une multitude de tergiversations, a fini par nous opposer une énième fin de non-recevoir, appuyée par le Ministère de l’Agriculture ;
  • Saisie pour la seconde fois, la CADA s’est de nouveau prononcée en faveur de BLOOM en septembre 2018, en rappelant que ces données sont publiques et donc librement communicables. Malgré ce second camouflet, la DPMA n’a pas daigné donner la moindre suite à ce dossier. Le silence d’une administration ayant valeur de refus tacite, BLOOM a décidé de porter l’affaire en justice pour obtenir gain de cause et forcer la DPMA à communiquer ces données.

Notes et références

[1] A deux reprises, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) a donné raison à BLOOM sur la nature communicable des données demandées.

[2] La Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA).

[3] Ce chiffre correspond à la réalité des crédits consommés entre 2007 et mai 2015. Or, l’instrument financier a couru jusqu’en 2016, il est donc probable que le montant final soit plus important. Chiffres communiqués par la Commission européenne dans un rapport agrégeant les données jusqu’en mai 2015. Disponible ici : https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/f0ab224d-f34c-11e6-8a35-01aa75ed71a1

[4] Les subventions européennes doivent être distinguées des aides qui sont distibuées par les Etats au niveau national, régional et local. Dans le rapport produit par la Cour des comptes sur les aides d’Etats au secteur de la pêche, les inspecteurs avaient qualifié de véritable “trou noir” les aides allouées par les collectivités territoriales.

[5] Selon les dernières estimations scientifiques, seulement 12% des stocks remplissent les objectifs de la Politique commune de la pêche. Froese, R. et al. 2018) Status and rebuilding of European fisheries. Marine Policy 93, 159-170.

[6]  Le Floc’h Pascal, Les Pêches maritimes françaises. 1983-2013, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2017, p. 33.

[7] Au travers des Objectifs de développement durable (ODD) adoptés lors de l’Assemblée générale des Nations unies de septembre 2015, la France a pris l’engagement d’interdire les méthodes de pêche destructrices (ODD 14.4) ainsi que les subventions néfastes (ODD 14.6).

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