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16 décembre 2013

Réponse de BLOOM aux marins-pêcheurs et personnel à terre de la Scapêche

A l’attention des marins-pêcheurs et personnel à terre de la Scapêche

Objet : réponse à votre courrier daté du 6 décembre 2013

Paris, le 16 décembre 2013

Chers marins-pêcheurs et personnel à terre de la Scapêche,

Merci d’avoir pris le temps de m’écrire personnellement. J’apprécie d’autant plus votre démarche que celle-ci me donne l’occasion de lever quelques malentendus, préjugés ou rumeurs qui semblent assez solidement établis. Rien de telle qu’une communication directe pour éclaircir les choses et revenir à des éléments factuels, de façon à ce que vous compreniez la démarche de BLOOM.

Sachez d’abord que j’ai beaucoup de respect pour les individus, quels qu’ils soient, et notamment pour les travailleurs de la Scapêche. J’ai toujours dit aux journalistes combien les employés de la Scapêche que j’avais pu croiser me semblaient courtois et sympathiques. Votre directeur général, votre directeur d’exploitation et le capitaine Xavier Léauté rencontrés au cours du Grenelle de la Mer sont tous humains et aimables.  Je peux être en désaccord profond avec leurs propos et les respecter en tant qu’hommes. Il en va de même pour vous. Je ne me permettrais jamais de porter un jugement sur des individus que je ne connais pas. J’attaque avec force les méthodes de pêche qui sont en cause mais nullement les individus qui les pratiquent.

En revanche, je rejette très fermement certaines de vos assertions et vais profiter de notre échange pour revenir sur quelques éléments caractérisant objectivement la pêche profonde au chalut telle que vous la pratiquez, et qui ne devraient pas être tolérés par les amoureux de la mer que vous êtes. Je préfère mettre vos affirmations sur le compte d’une ignorance scientifique du dossier.

Je serais profondément rassurée, pas seulement pour tous les travailleurs d’Intermarché qui font les frais de votre refus entêté de reconnaître les évidences scientifiques et économiques qui caractérisent cette pêche dévastatrice, mais aussi pour les Français au sens large, que vous fassiez preuve d’une honnêteté intellectuelle totale, que vous preniez le temps de lire les publications scientifiques, et que vous reconnaissiez simplement avoir fait erreur.

C’est cette honnêteté radicale que BLOOM et les Français attendent maintenant d’Intermarché, et donc de vous en premier lieu. Personne ne vous en voudra d’avoir été victimes d’une mythologie créée de toutes pièces par votre employeur cherchant à défendre son investissement, par quelques élus locaux et surtout par la presse de l’Ouest, acquise au seul point de vue des industriels et ne faisant jamais écho aux points de vue des chercheurs ou des citoyens sur le chalutage profond. Les liens entre Ouest France et Intermarché (la plus grande course de France à la voile, le « Spi Ouest France » s’appelle depuis 2008 le « Spi Ouest France-Intermarché ») montrent combien il est difficile pour un groupe de presse (Ouest France possède aussi le journal « Le Marin » par le biais du groupe Infomer) de conserver son objectivité lorsqu’elle a partie liée avec un annonceur majeur. Cela est très regrettable étant donné l’influence de Ouest France sur l’opinion publique en Bretagne et sur le littoral, et c’est surtout contraire au code de conduite des journalistes, mais c’est ainsi et cela semble mal engagé pour que ça change. Quoi qu’il en soit, cet état de fait nous rend indulgents vis-à-vis de tous ceux qui sont sous l’impression qu’une pêche profonde au chalut peut être « durable ».

Nous invitons d’ailleurs les nombreux acteurs du secteur de la pêche qui nous contactent pour nous encourager, pour témoigner et pour nous confirmer que tous nos dires sont justes, fondés et parfaitement fidèles à la réalité de terrain, qu’il s’agisse des impacts des engins de pêche ou de nos estimations des emplois liés à l’activité de pêche profonde au chalut, à se manifester publiquement car vous êtes plus nombreux que vous ne pensez. Il suffirait que le premier parle publiquement pour que la parole se libère. Nous comprenons cependant évidemment que ce n’est pas aisé étant donné les pressions que vous subissez sur place.

Revenons sur quelques affirmations contenues dans votre courrier :

Les voyants économiques, environnementaux et sociaux ne sont pas « au vert »

Je ne sais pas ce qui vous permet d’affirmer cela à propos de la pêche profonde.

  • Les voyants économiques sont désastreux : en dépit de près de 10 millions d’euros de subventions perçues entre 2002 et 2011 et 20 millions d’euros injectés par le groupe Intermarché, la Scapêche a accumulé plus de 19 millions d’euros de pertes courantes. Ceci est une réalité comptable, issue de vos comptes certifiés par KPMG et déposés au Tribunal de Commerce que quiconque peut vérifier puisqu’ils sont publiquement accessibles.
  • La Scapêche est chroniquement déficitaire et n’existerait pas sans être adossée au groupe Intermarché qui a accès au réseau de distribution et réalise la marge. Il ne s’agit pas de « pêche » au sens où les pêcheurs artisans et les Français l’entendent, mais de captation des ressources publiques par des groupes industriels.

Voir notre analyse (de nouveau, pour rappel, basée sur vos comptes) :

  • Les voyants environnementaux sont exécrables :
    • 70 publications scientifiques décrivent les impacts négatifs, potentiellement irréversibles, des chaluts profonds sur les fonds marins, les communautés animales et la productivité des écosystèmes. Aucune publication en revanche ne tend à amoindrir l’impact des chaluts de fond opérés en grande profondeur.

Voir la liste des publications ici.

  • Les chercheurs parlent au contraire du chalutage profond comme de la méthode de pêche « la plus destructrice de l’Histoire ».

Voir la lettre des chercheurs.

  • En ce qui concerne les impacts du chalut de fond sur le milieu profond, voir également le questionnaire du groupe de recherche européen « Hermione » qui évoque les effets potentiellement irréversibles d’un seul passage de chalut.

Voir le questionnaire.

  • 32 autres publications scientifiques montrent quant à elles que les pêches profondes au chalut ne sont pas durables. Aucune publication ne montre le contraire.

Voir la liste des publications ici.

  • Nous avons ici affaire à un consensus scientifique. Plus de 300 chercheurs soutiennent l’interdiction du chalutage profond, qui est déjà effective en Méditerranée au-delà de 1000 mètres de profondeurs, aux Açores, à Madère et aux Canaries au-dessous de 200 mètres et dans toutes les eaux internationales de l’Océan Austral.
  • Dire que « Le sabre, la lingue bleue, le grenadier ont atteint leur RMD (Rendement Maximal Durable) » est faux.

Cela est objectivement, scientifiquement, faux et je trouve très regrettable de voir que vous répétez avec entêtement les informations erronées qui circulent à ce propos et qui ne sont le fruit que d’une interprétation personnelle et favorable des avis du CIEM par un ou deux chercheurs de l’Ifremer dont les assertions très douteuses d’un point de vue scientifique ont été désavouées depuis par la direction de l’établissement.

La communauté scientifique n’est pas « d’accord sur ce point ». Au cours de la table ronde de l’Assemblée nationale sur le sujet le 26 novembre 2013, M. Vincent de l’Ifremer a rappelé que pour trois stocks, nous étions « conduits » vers la durabilité à « un horizon indéterminé » mais que pour les autres, les connaissances étaient « insuffisantes » pour en tirer des conclusions similaires.

M. Philippe Cury de l’IRD a rappelé à ce propos que sur 54 stocks d’eaux profondes, 21 stocks, comprenant des espèces menacées d’extinction, étaient épuisés et 26 autres n’avaient aucune donnée scientifique !

Cet état de faits et des connaissances conduit la communauté scientifique à marteler au contraire qu’il n’y a aucune durabilité envisageable avec des chaluts de fond pour des espèces déjà largement épuisées. « Aucune pêcherie au chalut profond ne peut être considérée comme durable si elle implique d’importantes prises accessoires ou des effets sur les habitats. »

Voir la synthèse d’un workshop impliquant de nombreux chercheurs spécialistes des pêches profondes, y compris des experts du CIEM :

La Commission européenne, basant ses avis sur le CIEM indique ainsi dans sa proposition de règlement (COM(2012) 371 final), page 3 :

« En raison de leur grande vulnérabilité par rapport à la pêche, les stocks d’eau profonde peuvent se retrouver épuisés en très peu de temps et leur reconstitution peut se révéler très longue, voire impossible. L’état biologique des stocks est, dans une large mesure, inconnu. Certains sont considérés comme épuisés, d’autres ont commencé à se stabiliser à de faibles niveaux d’exploitation. De façon générale, les pêcheries profondes ne sont pas durables. Les possibilités de pêche ont été constamment revues à la baisse depuis que l’on a commencé à les réglementer. Les données biologiques issues d’études scientifiques demeureront probablement insuffisantes pour permettre de réaliser des évaluations analytiques complètes des stocks dans les années à venir. »

En 2010, le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) déclarait même que 100 % des captures de stocks d’eau profonde réalisées par l’UE étaient « en dehors des limites biologiques de sécurité ».[1]

Pour finir, le taux de rejet des flottes chalutières françaises ciblant les espèces profondes est de 20,6% en 2010 et 29% dans la période 2003-2009.[2]

J’observe donc avec stupeur votre détermination à continuer à brandir une durabilité qui n’existe pas, qui n’a jamais existé et qui n’existera jamais pour des pêches profondes réalisées au chalut dans les milieux les plus fragiles des océans. Cette attitude relève pour moi du déni et empêche toute forme de partage d’un constat dès lors que les données scientifiques sont rejetées ou ignorées.

  • Les « voyants sociaux » sont peu performants :

Une étude récente de la New Economics Foundation,[3] basée sur le bilan de la Commission européenne, a montré que de tous les types d’engins, le chalutage générait l’un des plus faibles taux d’emploi par tonne de poissons débarqués.[4]

Des méthodes telles que la pêche à la palangre créent six fois plus d’emplois et ne sont pas aussi préjudiciables à l’environnement et aux écosystèmes. Avec ces types d’engins, une part plus importante des bénéfices de la pêche revient aux équipages au lieu d’alimenter les profits des entreprises.

Intermarché est bien au fait du ratio d’emplois généré par tonne de poissons capturée puisque la flotte COMATA qui lui appartient, basée à l’Ile de la Réunion et spécialiste de la légine australe, est palangrière. Lorsqu’il a fallu convertir les navires à la palangre en raison de l’interdiction du chalutage de fond dans l’Océan Austral, Intermarché (via la COMATA) n’a pas cillé puisque le chalutier « Kerguelen-de-Trémarec » de 87 mètres était vieillissant et coûteux. La construction du palangrier « Ile de la Réunion » de 56 mètres eut lieu sans encombre. Cela pose la question des raisons de la résistance à la conversion à la palangre telle que la Commission européenne la propose.

Nous supposons que les flottes chalutières françaises ne souhaitent pas se convertir à la palangre parce qu’elles ne veulent pas créer des emplois : cela mènerait nécessairement à une augmentation des charges sociales et des dépenses. Or Intermarché ne s’est pas lancé dans la pêche pour créer de l’emploi, mais pour avoir accès à la ressource dans une politique d’intégration de la production.[5] La recherche d’économies à réaliser sur les postes de marins-pêcheurs a d’ailleurs mené les équipages à un conflit ouvert avec Intermarché car ceux-ci refusaient de transborder les caisses, faire de longs legs et traiter le poisson à bord.[6]

  • « Contrôlés, régulés, encadrés »

On entend beaucoup que les pêches profondes sont les plus encadrées d’Europe. Cela aussi est faux.

Les nombres de jours en mer ne sont pas régulés. Le taux d’observateurs embarqués n’est que de 10 à 15%.[7] Les pêcheries à la senne ciblant le thon rouge ont désormais 100% d’observateurs embarqués en comparaison. Les prises accessoires ne sont absolument pas régulées et n’entraînent aucune fermeture des pêches une fois atteint certains seuils, pourtant les captures de poissons profonds entrainent nécessairement la prise d’espèces menacées d’extinction. La proposition de la Commission européenne pour les TACs et quotas d’espèces profondes en 2013 et 2014 (COM(2012) 579 final) stipulait même que « dans le cas des espèces d’eau profonde, l’intervention publique revêt une importance particulière étant donné que la reconstitution des stocks à croissance lente qui sont épuisés pourrait être très longue ou pourrait même échouer. »

L’approche monospécifique par quotas n’est pas approprié aux impératifs d’approche écosystémique et de restauration du milieu marin fixés par la directive cadre « stratégie pour le milieu marin » (2008/56/CE).

En outre, permettez-moi de vous indiquer qu’entre 2002 et 2011, 60% des quotas fixés pour les espèces profondes étaient supérieurs aux avis scientifiques, et dans 50% des cas, les captures ont ensuite dépassé les quotas fixés. Dans les cas d’excès, les captures ont été en moyenne 3,5 fois plus élevées que le quota décidé, mais parfois, elles ont été jusqu’à 28 fois supérieures au quota approuvé par le Conseil des Ministres.[8]

La France a d’ailleurs dépassé de façon spectaculaire son quota de requins profonds, qui comprend des espèces menacées d’extinction : en mars 2011, la France avait dépassé son quota 2011[9] de requins profonds de 255%.[10] Une situation analogue s’était produite l’année précédente en décembre 2010.[11] En 2009, la France avait dépassé de 440%[12] son quota de requins profonds. Nous avons ainsi perdu le droit de pêcher ces espèces pour le reste de l’année mais avons pu continuer à capturer d’autres espèces, dans une application illogique et contradictoire des mesures de gestion.

Le cadre règlementaire des pêches profondes propose en effet une approche par quota monospécifique totalement inadaptée aux problèmes écosystémiques graves que les pêches mixtes réalisées avec des chaluts destructeurs posent.

Ainsi, les pêches profondes au chalut ont-elles décimé les populations de requins (notamment en raison du squalène que contient leur foie et qui se commercialise bien pour l’industrie cosmétique) de façon vertigineuse en quelques années seulement : perte de 95% de certaines populations ! La pêche ciblée sur les requins est heureusement interdite en Europe depuis 2010.

Voir l’étude de BLOOM sur le commerce de squalane.

  • « Acharnement » ?

Non il n’y a pas d’acharnement, Intermarché est l’acteur dominant des pêches profondes chalutières en capturant jusqu’à 85% du quota français d’espèces profondes, c’est aussi la flotte qui a le plus résisté à l’établissement d’un constat partagé, mis en œuvre le lobbying le plus déterminé, remis en cause les données scientifiques, s’est créé un label sur mesure très questionnable (« pêche responsable ») et dont le cahier des charges est privé et inaccessible même sur demande, investi le plus en communication et menti publiquement à propos de sa performance et de son modèle économiques, en plus d’enfreindre la loi en omettant de publier ses comptes.

Voir l’analyse de BLOOM des comptes de la Scapêche.

C’est également en raison du réinvestissement de la Scapêche dans des navires neufs, alors que la flotte acceptait simultanément des fonds pour sortir de flotte des navires spécialistes des espèces profondes, que la France se trouve aujourd’hui otage des pêches profondes. Cet aspect-là du dossier fait l’objet selon nous d’un scandale politique qui met en cause la complicité des cabinets ministériels avec les acteurs industriels de la pêche en France, au détriment de la pêche la plus créatrice d’emplois : la pêche artisanale.

Voir l’enquête de BLOOM sur les pêches profondes.

  • « Lobby anti-pêche » ?

Vous faites écho à la théorie du complot de BlueFish qui a produit une série de pamphlets sur le lien des ONG avec Pew et donc l’argent du pétrole selon eux. Je ne suis pas experte de Pew car je ne travaille pas pour eux mais avec eux depuis plusieurs années donc il me semble qu’il serait plus efficace d’adresser directement vos questions à Pew. Le fait que Pew se soit établi dans les années 1950 grâce à une fortune familiale liée à l’exploitation pétrolière est parfaitement transparent : http://www.pewtrusts.org/about_us.aspx. En revanche, je n’ai pas encore vu d’éléments prouvant l’existence de liens actuels entre Pew et les lobbies pétroliers, mais je vous serais sincèrement reconnaissante de me les indiquer si vous avez en votre possession des documents qui ne sont pas accessibles publiquement. Car si vous avez les preuves de ce que vous avancez, si Pew est réellement un cheval de Troie du lobby pétrolier mondial visant à tuer la pêche de façon à couvrir les océans de plateformes pétrolières, je m’engage formellement à rompre la collaboration de BLOOM avec eux et je répète même ce que j’ai dit à Gérard Romiti en présence de Eamon Mangan, du cabinet de Frédéric Cuvillier à la Conférence environnementale en septembre dernier : je m’engage, le cas échéant, à travailler aux côtés du Comité des pêches pour sauver la pêche hauturière française.

Ma question est : croyez-vous sincèrement à ce scénario ? Ca prend peu de temps de créer une rumeur infondée et dommageable, mais je trouve que la moindre des choses serait de nous expliquer ce que vous avez en votre possession pour tenir des propos aussi affirmatifs.

Ce qui rend tout cela plus que douteux à mon sens est le calendrier et la provenance des attaques, qui reposent sur des suppositions alambiquées et infondées. Je trouve pour le moment que cette cabbale contre Pew et les ONG environnementales ressemble plutôt à une Nème  tentative de dénigrement de notre travail alors que nous remplissons, avec sans doute un peu trop d’efficacité du goût de certains, notre rôle de lanceur d’alertes et de contre-pouvoir, de la façon la plus démocratique et la plus transparente qui soit.

En effet, dès le Grenelle de la Mer, l’anathème a été prononcé contre BLOOM avec une violence inouïe visant à nous faire passer pour des intégristes de l’écologie souhaitant une « solution finale » pour les marins-pêcheurs (c’est écrit, il fallait oser !) Pourquoi ? Car nous avons osé proposer de mettre en œuvre un projet, porté à l’époque par la Direction des Pêches (DPMA) et l’Ifremer de mise en place de zones sans chalutage de fond de façon à faire le bilan réel plutôt que fantasmé de la réelle performance écologique et économique des autres méthodes de pêche lorsqu’elles n’entraient pas en conflit d’usage avec le chalut.

Voir ici.

Peu de temps après (juillet 2011), un décret a permis d’écarter les petites associations telles que BLOOM du débat public officiel en changeant les critères de la représentativité des ONG environnementales. Voir la tribune de Mme Corine Lepage sur le site Rue89 qui alertait sur cette manœuvre.

Je profite donc de cette chance d’être lue par vous pour affirmer, très clairement, très fermement, que BLOOM se bat POUR une pêche durable, humaine, juste et respectueuse de l’environnement. Nous recevons énormément de messages de soutien de pêcheurs artisans qui placent visiblement leur espoir en nous pour que nous mettions en cause la mainmise des lobbies industriels sur la pêche française et leur appropriation des quotas de pêche.

  • Qui a lancé les attaques contre BLOOM ?

Il existe toute une entreprise de dénigrement des ONG, dont BLOOM fait partie comme cible prioritaire, qui est bizarrement apparue après le Grenelle de la Mer et dont on a du mal à tracer l’origine. Reprenons les seuls éléments dont nous disposons :

–       Le 17 octobre 2011, quelque mois après le Grenelle de la Mer, Le Marin annonce que Norbert Métairie, maire de Lorient, embauche un lobbyiste, Nicolas Teisseire pour travailler notamment sur la pêche profonde. L’article mentionne également le lancement d’une « étude sur une quinzaine d’ONG environnementalistes (Greenpeace, WWF, BLOOM…), leurs financements, leur fonctionnement ». Voir ici.

–       Cette enquête a suscité une réaction indignée du groupe EELV de Lorient (« Du lobbying à la dérive » le 21/10/2011) dénonçant ces méthodes.

–       Toute trace de cette enquête est perdue jusqu’à ce qu’apparaisse une mention d’une étude sur le « rôle des ONG » dans le rapport d’activités 2011 d’Audélor (l’Agence d’urbanisme et de développement économique du pays de Lorient, présidée par M. Métairie). Voir le courrier adressé par les ONG concernées à Audélor en novembre 2012, pour lequel nous n’avons jamais reçu de réponse ni évidemment l’étude.

Le même mois, par ce qu’il est difficile de prendre pour un hasard du calendrier, apparaît le premier rapport de deux individus Yan Giron (du Bureau de conseil Arméris à Rennes) et Alain Le Sann (Collectif Pêche et Développement) sur les liens entre les fondations américaines et les ONG européennes (« Blue Charity Business »). La machine contre Pew et « l’argent du pétrole » est lancée, immédiatement reprise par Ouest France[13] et le reste de la presse bretonne qui joue un rôle particulièrement problématique dans tout le dossier de la pêche profonde (en faisant écho sans en questionner le bienfondé aux arguments des pêches industrielles profondes sans JAMAIS consulter les ONG ni aucun des centaines de chercheurs opposés à cette pêche. De la difficulté pour la presse du 21ème siècle de survivre sans annonceurs…)

  • Où est passée l’enquête sur les ONG de la Mairie de Lorient ? Elle semble s’être transformée en vaste opus contre les ONG en jetant le discrédit sur leurs financements et leurs motivations.
  • Qui finance Yan Giron et Alain Le Sann ? Ils se disent bénévoles mais sont pourtant prolixes : du 8 novembre 2012 à aujourd’hui, ce sont des centaines de pages qui sont écrites. Comment un consultant peut-il être si productif sans se soucier de son revenu ? Mystère. Nos questions à la Mairie de Lorient et à Audélor sur les financements publics accordés au lobbying en faveur de la pêche profonde sont restées sans réponse.  
  • BlueFish, Audélor et la Mairie de Lorient

Le 8 mars 2013, apparaît BlueFish, une association « de promotion de la pêche durable et responsable » soutenue par le Maire de Lorient (d’après le journal Le Marin du 14 mars 2013) et regroupant les plus ardents défenseurs de la pêche industrielle : Olivier Le Nézet, Norbert Métairie, l’élue PS Isabelle Thomas, Nicolas Teisseire… de la même façon que l’UIPP (l’Union des industries de la « protection » des plantes) regroupait les multinationales de la chimie de synthèse.

Voir l‘article du Canard Enchaîné « Intermarché touche les fonds » du 4 décembre 2013 qui dénonce la supercherie et la vidéo du lancement de BLUEFISH, parrainé au Parlement européen par Mme Isabelle Thomas :

Que fait BlueFish ? Ouest France indique le 26 avril 2013 que le premier cheval de bataille de BlueFish est la pêche des poissons de grands fonds. BlueFish a commandé une étude (33 000 €) aux cabinets PwC et Fish Pass. C’est cette étude dont BLOOM a critiqué la méthodologie peu compréhensible et à propos de laquelle PwC nous a répondu que la méthodologie était « confidentielle ».

Les surestimations de l‘emploi lié à la pêche profonde prennent pourtant leur racine dans cette étude cryptique de PwC. Cette opacité sur des questions aussi essentielles est, selon nous, difficile à accepter.

BlueFish n’a aucune existence réelle, pas de site web, pas de transparence sur les fonds publics perçus pour faire le lobbying de Lorient et d’Intermarché. Le seul lien que l’on puisse trouver est le journal officiel mentionnant que l’association a son siège à l’adresse d’Audélor (qui est elle-même financée à 99% ou plus par les fonds publics, voir les rapports d’activités).

Le lien qui montrait dans les mentions légales d’Audélor la présence de BlueFish n’est plus accessible. ( !)

  • Nos subventions

BLOOM a reçu deux fois des subventions publiques en 2011 et 2012, pas à une date antérieure et pour le moment pas en 2013. En ce qui me concerne, je suis 100% bénévole pour BLOOM, l’ai toujours été, et ne risque pas de devenir salariée étant donné la difficulté pour une ONG de récolter des fonds. Je n’ai donc aucunement profité de ces subventions.

  • Vos subventions

Je préfère vous entendre dire que finalement vous ne recevez pas plus de subventions qu’un autre secteur plutôt que de renier en percevoir, voilà enfin le premier pas vers un constat partagé.

Pour que les choses soient claires : nous ne sommes pas opposés à ce que des subventions soient versées au secteur de la pêche , mais à condition qu’elles aident les marins-pêcheurs à s’ancrer dans des pratiques durables et humaines ainsi que respectueuses de l’environnement. Le principe de financer une marge accrue qui profite à Intermarché ne nous enchante pas particulièrement pour être honnêtes. Nous pensons qu’il y a d’autres priorités dans le secteur de la pêche que d’aider un géant de la distribution à avoir accès à un poisson moins cher par rapport à ses concurrents sur le dos des contribuables.

Quant aux autres éléments visant à faire croire que les méthodes de pêche profonde utilisées par la flotte d’Intermarché sont sans impacts car elles se déploient sur des fonds sableux, cela fait partie des mythes que les chercheurs ont exposés en s’adressant directement aux députés avant le vote du 10 décembre. Il est bien malheureux que les courriers du cabinet de lobbying G Plus Europe (voir ma tribune dans le Huffington Post à leur propos) affirmant toutes sortes de choses totalement fausses et infondées aient entrainé certains députés dans l’erreur.

Abreuver des politiciens professionnels d’arguments injustifiés et démontrés par les chercheurs comme étant faux est une responsabilité qui dépasse le politique et questionne sur l’éthique des pratiques de vos défenseurs. M. Pierrick Massiot, Président de la Région Bretagne, se trouve ainsi exposé par le piège que les lobbies lui ont tendu en lui faisant signer un courrier radicalement mensonger.

Vous devriez, vous les marins-pêcheurs et personnel de la Scapêche, ne plus tolérer que certains individus agissent ainsi. Ce sont eux qui jettent le discrédit sur votre profession ainsi que sur l’ensemble d’un personnel politique allant jusqu’au niveau ministériel et présidentiel.

En espérant que ces sources vous permettent de vous forger une opinion basée sur des faits objectifs plutôt que sur des rumeurs et des affirmations violentes, fausses et totalement injustifiées. Vous comprendrez comme l’ensemble de la communauté scientifique et près de 800 000 citoyens que la chalutage profond est indéfendable et que le temps est venu d’engager les pêches françaises vers des méthodes durables et respectueuses de notre planète, de nos finances publiques et du désir des Français.

Très respectueusement,

 

Claire Nouvian

 

Pour consulter la réponse des chercheurs aux arguments erronés largement diffusés par le cabinet G Plus Europe en anglais ici (traduction en français ici).

Pour consulter la réponse de Greenpeace au courrier de M. Massiot.

Voir l’interview de Claire Nouvian par les internautes de Libération.

La moitié des Français seraient enclins à croire à la théorie du complot selon une étude révélée par Le Monde. Cela explique peut-être pourquoi certains croient aux théories des lobbies industriels de la pêche laissant entendre que BLOOM oeuvre pour faire place à des forages pétroliers dans les océans ! Plus c’est gros…


[1] Report of the ICES Advisory Committee, Book 11: Technical Service, 11.2.1.1., 2010.

[2] http://archimer.ifremer.fr/doc/00001/11232/7753.pdf à partir de la page 39 pour les espèces profondes.

[3] http://s.bsd.net/nefoundation/default/page/-/images/publications/Deep_Trouble_FRENCH.pdf

[4] The 2011 Annual Economic Report on the EU Fishing Fleet (STECF-11-16)

[5] « En réalité, notre intérêt pour la mer est stratégique. La crise des farines animales va doper la consommation de poisson sauvage (…). La consommation de poisson est encore modeste en France. Près de 20 kilos par habitant et par an, contre 50 kilos pour les Espagnols. Mais, vache folle oblige, les ventes devraient fortement progresser dans l’Hexagone. Déjà une croissance de 10% l’an dernier (dont 8% générés par la hausse des cours). L’accès à la ressource de la mer va être de plus en plus limité et contingenté. Or nous voulons consolider notre place de premier poissonnier de France. » Le Point du 22 janvier 2007 « Les mousquetaires de la mer ».

[6] « Ces gens-là sont des épiciers, pas des armateurs. Ils ne connaîtront jamais les marins et je crois qu’ils ne veulent même pas les connaître » in Libération 15 novembre 1997, Des marins contre les mousquetaires. Intermarché finit par négocier avec ses marins, en grève depuis trois semaines.

[7] Rapports OBSMER Bilan de l’échantillonnage 2010 et 2011.

[8] Villasante et al., Sustainability of deep-sea fish species under the European Union Common Fisheries Policy, Ocean & Coastal Management 2012.

[9] Commission Regulation (EU) No 323/2011 of 31 March 2011.

[10] Commission Implementing Regulation (EU) No 700/2012 of 30 July 2012 operating deductions from fishing quotas available for certain stocks in 2012 on account of overfishing in the previous years.

[11] Commission Regulation (EU) No 1201/2010 of 15 December 2010.

[12] Page 41.

[13]   « Pêche les gros sous du lobbying écologiste ».

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