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13 décembre 2013

Décryptage du vote sur l’interdiction du chalutage profond

La députée PS Isabelle Thomas, telle le joueur de flûte de Hamelin, a entraîné la délégation socialiste française à sa perte en lui recommandant de voter contre l’interdiction du chalutage profond au-delà de 600 mètres. Elle a trahi en cela la volonté citoyenne pour faire allégeance aux lobbies de la pêche, dont elle est marraine.

Une alliance du PS, de l’UMP et du FN au Parlement européen a fait échouer une chance unique d’éliminer la méthode de pêche la plus destructrice de l’Histoire, selon les chercheurs.

La délégation française socialiste s’est une fois de plus opposée à la majorité des Socialistes européens en rejetant cette fois l’interdiction du chalutage profond (les socialistes français avaient déjà rejeté les objectifs de reconstitution des stocks de poissons compris dans la réforme de la Politique Commune de la Pêche portée par la Socialiste allemande Ulrike Rodust). Les Socialistes français étaient entraînés par l’élue Isabelle Thomas de la région Bretagne, ouvertement proche des flottes industrielles, marraine du lobby lorientais « BlueFish ».

Quant à la délégation UMP, c’est l’élu breton Alain Cadec qui donnait à son groupe la consigne de vote sur l’interdiction du chalutage profond.

Les intérêts électoraux locaux ont eu raison de l’évidence économique, écologique et scientifique, de la mobilisation de plus de 300 chercheurs internationaux pour l’interdiction du chalutage profond et de la volonté de près de 800 000 citoyens.

Rappel 

La Commission européenne a proposé le 19 juillet 2012 un nouveau texte pour l’encadrement de la pêche en eaux profondes en Europe et dans l’Atlantique Nord-Est.

Ce texte ne proposait pas l’interdiction de la pêche en eaux profondes, comme ont tenté de le faire croire les lobbies industriels, mais seulement l’élimination des méthodes de pêche les plus dommageables à l’environnement. La Commissaire européenne à la pêche, la Grecque Maria Damanaki, a également rappelé que des fonds publics seraient disponibles pour la conversion des navires vers des méthodes de pêche plus sélectives et plus génératrices d’emplois comme la palangre.

Le texte est parti en consultation au Parlement européen et au Conseil des Ministres européens de la pêche mais il n’a jusqu’à présent JAMAIS été ouvert au Conseil en raison du violent blocage de la France, soit celui de Frédéric Cuvillier, ministre de la pêche.

Après des mois d’enlisement en raison des stratagèmes des lobbies de la pêche industrielle et de leur cabinet de lobbying G Plus Europe, le règlement pêche profonde a enfin été voté en Commission de la Pêche du Parlement européen, le 4 novembre 2013.

Le texte qui a été envoyé pour vote en plénière avait mis en morceaux la proposition d’interdiction du chalutage profond au-delà de 400 mètres de profondeur, telle qu’elle avait été proposée par le rapporteur, le socialiste grec Kriton Arsenis.

A la place de cela, un compromis, l’amendement 62 (voir ci-dessous) anéantissait les chances d’interdiction du chalutage profond en renvoyant le projet à une évaluation ultérieure et à un futur, très « potentiel » nouveau règlement. Une façon efficace d’enterrer, sans doute pour toujours, l’interdiction du chalutage profond en Europe.

Ce compromis a été « négocié » avec le rapporteur Arsenis en lui mettant un couteau sous la gorge puisque les députés proches des pêcheurs industriels, majoritaires au sein de la Commission PECH du Parlement européen, ont explicitement menacé de « tuer » le rapport au moment du vote de la Commission PECH si l’interdiction du chalutage profond y était conservée. Cette manœuvre aurait empêché le Parlement dans son ensemble de se prononcer sur le règlement en plénière. Kriton Arsenis a donc été forcé d’abandonner l’interdiction du chalutage profond qui lui tenait à cœur. La majorité des Socialistes européens lui ont demandé de soutenir clairement l’amendement réintroduit par les Verts et d’autres groupes en vue de la plénière pour interdire le chalutage profond.

Le vote du 10 décembre 2013 

L’amendement proposé par le groupe des Verts, cosigné par de nombreux Socialistes européens ainsi que par des Conservateurs (ECR et PPE), également déposé par le groupe GUE (gauche radicale, avec le député réunionnais Younous Omarjee en tête de proue) et certains députés du Centre (groupe ALDE où l’on trouve le MoDem et la « championne » de ce dossier Marielle de Sarnez) réintroduisait l’interdiction du chalutage profond au-delà de 600 mètres de profondeur.

Pour avoir une chance de se prononcer sur l’interdiction du chalutage profond, il fallait donc REJETER l’amendement de compromis adopté par la Commission PECH (l’amendement 62) pour pouvoir ensuite voter les amendements sur l’interdiction du chalutage profond. Si ce premier amendement était adopté, il faisait TOMBER les amendements suivants et empêchait même de se prononcer sur l’interdiction du chalutage profond.

342 députés ont adopté l’amendement 62, et 326 l’ont rejeté, 19 se sont abstenus. Les amendements suivants sont ainsi tombés et les députés n’ont pas pu se prononcer sur l’interdiction du chalutage profond.

De nombreux députés se sont trompés sur cette liste de vote confuse et ont adopté l’amendement au lieu de le rejeter. Parmi eux, figuraient certains de nos « champions » qui avaient publiquement défendu l’interdiction du chalutage profond. Dès qu’ils se sont rendus compte de leur erreur, ils ont fait rectifier leur vote.

Résultat ?

20 corrections de vote ont eu lieu. 18 en notre faveur, 2 contre l’interdiction.

Nous avons donc gagné à 343 votes contre 330 !

D’autres corrections peuvent avoir lieu, mais a priori, ceux qui se sont trompés ont déjà fait changer leur vote.

 

Voir la liste de votes :
Cliquer sur « Results of roll-call votes available » à la date du mardi 10 décembre

Page 27 : résultat initial du vote de l’amendement 62.

En bas de la page 28 : un tableau avec les corrections apportées.

On voit que des « champions » de l’interdiction du chalutage profond comme la socialiste Linda McAvan, qui s’était démarquée par son intervention musclée contre cette méthode de pêche en groupe socialiste quelques jours auparavant, s’est trompée de vote, tout comme une partie de la délégation socialiste italienne (Paolo de Castro, Andrea Cozzolino, Silvia Costa, Roberto Gualtieri…) alors qu’ils avaient tous co-signé l’amendement des Verts contre le chalutage profond, ce qui en termes politiques, marque l’engagement le plus visible et déterminé pour une mesure.

L’ancien vote

+ : 342

– : 326

0 : 19

Les corrections

+ : 2

– : 18

0 : 0

Parmi ces corrections :

14 avaient adopté l’amendement 62 et ont corrigé leur vote pour le rejeter (Balcytis, Becker, Costa, Cozzolino, de Castro, Girling, Gualtieri, Gustafsson, Hökmark, Leichtfried, McAvan, Murphy, Sarvamaa, van Nistelrooij)

4 s’étaient abstenus et l’ont rejeté (Köstinger, Pirker, Poc, Rübig)

1 avait rejeté l’AM 62 et l’a adopté (Ticau)

1 n’avait pas voté et a corrigé pour adopter l’AM 62 (Crowley)

Le nouveau résultat du vote 

Pour l’amendement 62 : 330

Contre l’AM 62 : 343

Abstentions : 15

343 voix pour l’interdiction du chalutage profond, 330 voix contre…

 

Mais… cette victoire ne peut pas être prise en compte d’un point de vue légal. Il n’existe aucun recours.

Nous aurons donc gagné dans les archives du Parlement… mais perdu le vote.

Une situation inédite et surréaliste…

 

Qui sont les responsables de cet échec législatif ?

Une alliance du PS, de l’UMP et du FN a fait barrage à l’interdiction de la méthode de pêche la plus destructrice de l’Histoire.

En premier lieu, les Socialistes français, dont la consigne de vote a été donnée par Isabelle Thomas, élue de Bretagne, marraine du lobby  « Blue Fish » (opaque, pas de site internet, apparemment financé par la Mairie de Lorient).

C’est elle qui a entrainé les eurodéputés socialistes français dans l’impasse politique à quelques mois des élections municipales et européennes en faisant fi des preuves scientifiques (voir la dernière d’une série de réponses scientifiques aux arguments des lobbies en anglaistraduction en français ici), de l’impressionnante mobilisation de plus de 300 chercheurs contre le chalutage profond et de plus de 775 000 citoyens. Cette consigne de vote déterminée sans aucun argument objectif et robuste aussi contre les militants et de nombreux élus du PS que cette consigne de vote est

Le vote des Socialistes français est d’autant plus surprenant qu’il s’inscrit contre un amendement porté par des députés EELV avec lesquels le gouvernement socialiste a formé une alliance et contre la majorité des Socialistes européens. Isabelle Thomas était déjà responsable du vote socialiste français contre la Politique Commune de la Pêche, soutenue par tous les Socialistes européens.

# Notons que la députée Pervenche Berès du groupe socialiste Gauche Durable était présente mais n’a pas voté.

Ensuite l’UMP et les conservateurs européens : Alain Cadec élu UMP, a donné à son groupe une consigne de vote identique à celle d’Isabelle Thomas, avec laquelle il s’allie sur tous les dossiers permettant de privilégier la pêche industrielle bretonne.

Que des élus de droite soutiennent une pêche destructrice, déficitaire et subventionnée sur deniers publics ne correspond a priori pas au crédo économique libéral de la droite. Cette incohérence est à chercher du côté des alliances électorales locales.

# Notons que la députée Rachida Dati a voté contre l’amendement de compromis et ainsi en faveur de l’interdiction du chalutage profond.

# Le député Arnaud Danjean était présent mais n’a pas voté.

Le FN, qui a suivi l’UMP et le PS sur ce vote.

En dernier lieu, les communistes du groupe GUE, à l’exception de ses membres français qui se sont démarqués et qu’il convient de saluer, ont suivi la consigne de vote de Joao Ferreira, élu portugais d’extrême gauche, qui se trouve ainsi à faire tapis rouge aux conglomérats industriels français contre l’intérêt des pêcheurs artisans de sa propre circonscription. Insistons sur ce point pour prendre la mesure du cynisme en politique : le chalutage profond est déjà interdit au-delà de 200 mètres de profondeur aux Açores et à Madère où des pêcheurs artisans ciblent à l’aide de palangres des espèces profondes depuis plus de 100 ans. Ces pêches artisanales portugaises sont le seul exemple de pêches durables profondes en Europe. M. Ferreira n’a pas écouté la demande des très nombreux pêcheurs artisans mais des quelques armateurs industriels de sa circonscription. Pour un élu communiste, cherchez l’erreur…

 

Qui sont les gagnants de l’opinion publique ?

Certains députés et leurs groupes politiques se sont investis avec une conviction que BLOOM salue : d’abord le rapporteur grec Kriton Arsenis qui a réussi un tour de force en menant ce dossier férocement combattu par les lobbies jusqu’à son issue parlementaire confuse et regrettable. Ensuite les députés socialistes italien Guido Milana, qui a magnifiquement défendu l’interdiction du chalutage profond, l’Allemande Ulrike Rodust et Linda McAvan, députée anglaise qui ont combattu les arguments fallacieux des socialistes français.

Puis le groupe des Verts, en particulier Jean-Paul Besset, Sandrine Bélier, Raul Romeva y Rueda et Daniel Cohn-Bendit.

Ensuite le groupe centriste ALDE avec en figures de proue la députée MoDem Marielle de Sarnez et le député anglais Chris Davies ainsi que Corine Lepage, tous très clairs sur leurs positions depuis le départ.

Saluons aussi l’engagement de certains députés UDI, en particulier Sophie Auconie, et le rôle jour par la Gauche Radicale avec le député Younous Omarjee qui a permis à la délégation française de voter de façon cohérente pour mettre fin à ces méthodes de pêche destructrices et subventionnées, contrairement à l’ensemble de leur groupe (voir plus bas).

Ces individus ont défendu l’interdiction du chalutage profond avant que la pétition de BLOOM soit signée par plus de 700 000 citoyens, avant que le sujet occupe le devant de la scène médiatique, avant que les enseignes CASINO et CARREFOUR annoncent l’arrêt des espèces profondes au cours des deux dernières semaines, avant, en d’autres termes, la garantie du succès auprès de l’opinion publique…

Quelles implications ces changements de vote ont-ils pour la suite du processus législatif ?

Il n’existe aucun recours légal permettant de prendre en compte les changements postérieurs à un vote. C’est assez logique car cela pourrait ouvrir la porte à des pratiques de pression ou de menaces diverses. Il n’en demeure pas moins que ce vote serré aurait dû être gagné et dans les archives, de fait, a été gagné. C’est une situation inédite qui ne restera pas sans conséquences pour les négociations au Conseil.

Quid du Conseil ?

Le Conseil des Ministres européens de la pêche (qu’on abrège à « Conseil ») n’a pas discuté une seule fois le dossier « pêche profonde » alors que la proposition législative de la Commission européenne leur a été communiquée officiellement le 12 juillet 2012, il y a un an et demi.

Tout le monde sait en Europe que la France, soutenue par l’Espagne, est responsable de ce blocage. Lorsqu’on dit « La France » de qui parle-t-on ? Du ministre de la pêche, Frédéric Cuvillier, député-maire de Boulogne-sur-Mer, 1er port de pêche industrielle en France, historiquement impliqué dans les captures d’espèces profondes (la flotte Euronor de Boulogne-sur-Mer affirme être celle qui a découvert les espèces profondes dans les années 1980, mais cette flotte n’a plus qu’un navire qui fait 25 à 30% de ses captures avec des espèces de grands fonds).

Le ministre est aidé dans son travail de blocage par la représentation permanente de la France à Bruxelles qui suit les ordres du cabinet de M. Cuvillier. Ce qui se déroule au Conseil est opaque : pas d’observateurs extérieurs aux réunions, pas de caméra, pas de compte-rendu public des échanges. Cette opacité donne toute la marge de manœuvre aux Etats membres de l’Union pour faire pression les uns sur les autres. En matière de pêche industrielle, la France est traditionnellement associée à l’Espagne.

Que devrait faire la France dorénavant ?

Le dossier n’ayant jamais été abordé au Conseil, les Etats membres doivent commencer par :

1/ Ouvrir le dossier de toute urgence ;

2/ Négocier une position commune, ce qu’on appelle « l’approche générale », qui leur permettra d’entrer enfin en trilogue avec le Parlement et la Commission européenne.

C’est seulement à l’issue du trilogue qu’un règlement peut entrer en vigueur.

Le vote du Parlement n’est donc qu’une étape, mais elle est d’importance. Ce vote brouillon qui s’exprime finalement en faveur de l’interdiction du chalutage profond devra nécessairement être pris en considération dans les discussions des Etats membres.

Le gouvernement de François Hollande, particulièrement responsable de l’échec de cette mesure historique au Parlement et au Conseil, devra désormais décider s’il continue à soutenir une poignée d’industriels de la pêche, surtout Intermarché, contre la volonté et la mobilisation scientifiques et citoyennes.

La France peut et doit réintroduire l’interdiction du chalutage profond qu’elle a contribué à faire échouer. L’Etat peut négocier avec l’industrie les délais de sortie de ces méthodes de pêche destructrices et proposer au Conseil un délai d’application supérieur à ce qui était jusqu’à présent proposé au Parlement (2 ans).

Seule la pression citoyenne sur les enseignes de distribution et notre gouvernement peut décider notre Président de la République à repenser ses alliances et à réévaluer ce que lui coûte le comportement de son Ministre délégué à la pêche et de certains des élus socialistes.

N.B: les amendements

N.B : Amendment 62

Four years after the entry into force of this Regulation the Commission shall evaluate its implementation in accordance with Article 21. The use of all types of fishing gear when targeting deep-sea species shall be evaluated with a particular emphasis on the impact on the most vulnerable species and on vulnerable marine ecosystems. If this evaluation shows that the deep-sea stocks listed in Annex I, excluding the species in Annex I subject to deferred application of Article 4(2)(c), are not exploited at maximum sustainable yield rates adequate for restoring and maintaining populations of deep-sea stocks above levels capable of producing maximum sustainable yield, and that vulnerable marine ecosystems are not protected from significant adverse impacts, before…+ the Commission shall submit a proposal to amend this Regulation. This proposal shall ensure that fishing authorisations for vessels targeting deep-sea species, as referred to in Article 4, using bottom trawls or bottom-set gillnets shall expire and shall not be renewed and that any measures necessary regarding bottom gears, including longliners, are put in place to ensure the protection of the most vulnerable species.

L’amendement proposant l’interdiction du chalutage profond qui n’a même pas pu être voté :

« Fishing authorisations for vessels using bottom trawls or bottom-set gillnets below 600 metres shall expire at the latest two years after the entry into force of this Regulation. After that date, fishing authorisations allowing fishing operations below 600 meters with those gears shall neither be issued nor renewed. »

Retrouvez le détail des votes ici

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