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07 décembre 2015

Retour sur la conférence de Clive Trueman au musée national de la Marine

Nous vous proposons ci-dessous un résumé de la conférence du chercheur anglais Clive Truman, organisée le 25 novembre 2015 par BLOOM et le musée national de la Marine.

Clive Trueman est un chercheur de l’université de Southampton qui travaille sur le rôle des espèces marines dans le transport et le stockage du carbone.

Conférence en anglais traduite en simultané.

Impact : 80 personnes présentes dont 3 journalistes scientifiques

Lien vers les diapositives projetées

L’océan, moteur du climat

L’océan est le moteur de notre climat. Les mécanismes physiques reliant l’océan à l’atmosphère sont bien compris par les scientifiques qui ont produit de nombreux travaux expliquant comment les courants océaniques régulent le climat. En un mot, les masses d’eaux océaniques absorbent l’excès de chaleur en certains endroits et le libèrent en d’autres, plus froids. En fait, l’océan a stocké plus de 90% de la chaleur produite par nos activités depuis le début de l’ère industrielle :[1],[2] il agit donc comme un thermostat géant.

Rôle des espèces marines dans la régulation du climat

Mais quel est le rôle des espèces marines dans la régulation du climat ? On connait bien moins leur influence car celle-ci est plus complexe à étudier que l’interaction entre l’océan et l’atmosphère. Pourtant, les premiers indices des liens entre la vie océanique et le climat sont visibles dans des sites célèbres : les falaises blanches d’Etretat, de Douvres et de la Grèce ont été créées il y a environ 85-90 millions d’années par l’accumulation des coquilles en calcaire de certaines espèces de phytoplancton (comme les « coccolithophores »). A cette époque, la concentration de CO2 dans l’atmosphère était le double de l’actuelle et ces organismes ont massivement « fixé » ce CO2 avec la sédimentation de leurs coquilles au fond de l’océan lors de leur mort.

De nos jours, le phytoplancton joue toujours ce rôle de « piège à CO2 » par la photosynthèse et la création de sa coquille calcaire. Il génère environ la moitié de l’oxygène présent dans l’atmosphère, ce qui en fait le poumon de la planète avec les forêts terrestres.[3]

Mais l’histoire du carbone ne s’arrête pas là : une fois capturé par le phytoplancton, celui-ci va « voyager » à travers divers étages de la chaîne alimentaire marine. Le phytoplancton est en effet consommé par le zooplancton, lui même mangé par de petits poissons, mangé par des plus gros, etc. Comme toutes ces espèces respirent (y compris le phytoplancton pendant la nuit), elles remettent une partie du CO2 capturé en circulation.

La séquestration du carbone au fond de l’océan

Au final, seule une infime partie du carbone qui entre dans l’océan est stocké au fond de l’océan : c’est celui transporté sous forme de « neige marine » (du phytoplancton mort et des matières fécales). La plupart du carbone que le phytoplancton absorbe lors de la photosynthèse et de la création de coquilles calcaires retourne donc dans l’atmosphère et entre de nouveau dans le cycle du carbone.

Parce que cette absorption à long terme du CO2 dans l’océan – à peu près équivalente à celle sur terre dans le sol – est inférieure à nos émissions, la concentration de CO2 dans l’atmosphère augmente, provoquant les changements climatiques que nous connaissons.

Les scientifiques ont cependant récemment découvert que la neige marine n’est pas le seul moyen de séquestrer le carbone dans l’océan profond, mais qu’un autre processus biologique actif semble être d’une importance capitale. Une famille de poissons – les myctophidés – serait dix fois plus abondante qu’estimée précédemment, ce qui en fait la plus importante famille de vertébrés de la planète en termes de biomasse.[4] Ces myctophidés vivent entre -200 et -1 000m la journée et viennent en surface à la nuit tombée afin de se nourrir. Par conséquent, une partie de leur respiration est relâchée dans l’atmosphère, tandis qu’une autre partie est piégée en-dessous du seuil de -500m et ne peut donc pas retourner dans l’atmosphère. Sur les talus continentaux, ces poissons myctophidés peuvent être consommés par les espèces profondes vivant proche du fond. Lorsque cela se produit, ces poissons profonds vivant capturent tout le carbone contenu dans les myctophidés et le stockent dans l’océan profond.

Le rôle précieux des espèces profondes

Récemment, il a été estimé que ces poissons profonds permettaient de stocker entre un et 2,5 millions de tonnes de CO2 par an dans la partie irlando-britannique de l’océan profond,[5] soit le même volume que 30 000 km2 de tourbières pourraient séquestrer (ce qui est à peu près la surface totale des tourbières au Royaume-Uni). Cependant les efforts de conservation dont bénéficient les petites surfaces de tourbières sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre pour les écosystèmes marins profonds. En effet, rien n’est fait pour mettre fin aux pêches en eaux profondes qui capturent ces poissons « pièges à CO2 ». Des scientifiques ont souligné l’absurdité de la situation en montrant que le gouvernement britannique était prêt à payer 1 milliard de livres sur 10 ans pour construire une usine de séquestration du carbone,[6] tandis que l’UE subventionne encore fortement ses navires industriels qui pêchent les espèces profondes, pour un chiffre d’affaires généré beaucoup plus petit que le service écosystémique qu’elles rendent.

Maintenant que nous commençons à comprendre l’immense rôle des poissons profonds dans le cycle mondial du carbone, il nous paraît plus important que jamais d’interdire pour de bon le chalutage en eaux profondes.

[1] Church et al. (2011) Revisiting the Earth’s sea-level and energy budgets from 1961 to 2008. 38: L18601.

[2] Roemmich et al. (2015) Unabated planetary warming and its ocean structure since 2006. Nature Climate Change 5(3): 240-245.

[3] Maribus (2010) World ocean review – Living with the ocean. Maribus, Hamburg (Germany). 232 p.

[4] Irigoien et al. (2014) Large mesopelagic fishes biomass and trophic efficiency in the open ocean. Nature Communications 5.

[5] Trueman et al. (2014) Trophic interactions of fish communities at midwater depths enhance long-term carbon storage and benthic production on continental slopes. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences 281(1787).

[6] Cette idée a été abandonnée en Novembre 2015: www.telegraph.co.uk/finance/newsbysector/energy/12016882/autumn-statement-2015-UK-scraps-1bn-carbon-capture-and-storage-competition.html.

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