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28 février 2013

Analyse des comptes de la Scapêche

 

La flotte de pêche d’Intermarché sous perfusion des aides publiques

Histoire de la grande gabegie de nos impôts et océans

Lire l’analyse

Depuis 2009, la flotte d’Intermarché avait cessé de publier ses comptes, malgré l’obligation faite aux entreprises de déposer leurs comptes annuels,[1] et surtout malgré le fait que cette flotte, l’acteur français le plus important de la pêche en eaux profondes, soit devenu le point de mire des institutions européennes qui sont en train de réformer le règlement encadrant cette pêche, notamment celle au chalut de fond, décrite par les chercheurs comme « la plus  destructrice de l’histoire ».

La Commission européenne, en conformité avec les engagements pris devant la communauté internationale d’éliminer les pratiques de pêche destructrices, a ainsi proposé en juillet 2012 de mettre fin au chalutage profond dans les deux ans suivant l’adoption du nouveau règlement. Principale concernée : la flotte d’Intermarché, la Scapêche, et six de ses navires ciblant les espèces profondes dans l’Atlantique Nord-Est à l’aide de chaluts de fond déployés à plus de 1000 mètres de profondeur. La Scapêche plaide des pratiques exemplaires en matière de pêche et de transparence et insiste sur sa rentabilité et l’importance de son activité pour l’emploi (sans toutefois fournir sa base de calcul des emplois induits par son activité de pêche profonde). Il était donc devenu indispensable d’avoir accès à des éléments factuels pour que les Parlementaires européens, prochainement appelés à voter ce règlement, puissent se forger une opinion objective sur la performance socio-économique de cette entreprise dont le sort de quelques navires est en train de peser de façon disproportionnée sur un règlement international. Les demandes amicales adressées par BLOOM à la Scapêche de publier ses comptes étant restées sans suite, il a fallu entamer une procédure d’assignation en référé auprès du Tribunal de Commerce pour que la filiale du groupe Intermarché se décide enfin à publier, mi-janvier 2013, ses comptes de 2009 à 2011.

L’analyse des comptes réalisée par l’Association BLOOM révèle une situation en tous points contradictoire aux dires de la flotte des Mousquetaires : malgré des subventions publiques substantielles, l’activité de pêche d’Intermarché opère à perte de façon chronique et n’est absolument pas viable économiquement.[2] En effet, en dépit de près de 10 millions d’euros de subventions perçues entre 2002 et 2011 et 20 millions d’euros injectés par le groupe Intermarché, la Scapêche a accumulé plus de 19 millions d’euros de pertes courantes.[3]

« Sur les quatre dernières années, à l’exception de 2009, le résultat d’exploitation, qui correspond au chiffre d’affaires diminué des charges d’exploitation et reflète ainsi le plus fidèlement le profil économique de l’activité de pêche, a toujours été déficitaire. La perte d’exploitation cumulée sur cette période atteint -2,7 M €. Sans les subventions d’exploitation, celle-ci serait de -7,36 M €, soit 8% du chiffre d’affaires » résume Denis Berger, trésorier de l’Association BLOOM et auteur de l’analyse. « Nous avons affaire à une entreprise dont le cœur de métier, la pêche, ne lui permet pas d’être rentable, et ce, malgré les millions d’euros de fonds publics perçus. En réalité, une entreprise comme la Scapêche n’existerait pas si elle n’était pas adossée financièrement au groupe Intermarché qui éponge les pertes en y trouvant son compte puisque le prix de revient de sa matière première se trouve réduit grâce aux subventions publiques ».

Le groupe Intermarché ne s’est pas lancé au hasard dans la pêche… Si l’activité de pêche est déficitaire, il ne fait aucun doute que le profit se fait aux rayons poissonnerie des supermarchés de l’enseigne, qui réalisent la marge grâce à l’accès au consommateur final. « Acheter son poisson chez Intermarché équivaut presque à le payer deux fois : d’abord en amont par le biais de nos impôts puis en aval sur notre panier de ménagère » ironise Claire Nouvian, fondatrice de BLOOM.

La politique de subventions publiques à l’égard de la flotte d’Intermarché est en complète contradiction avec les objectifs de la Politique Commune de la Pêche qui sont de « renforcer le développement d’entreprises économiquement viables » et de « favoriser la protection de l’environnement et la conservation des ressources de la mer ».

« Les comptes de la flotte d’Intermarché révèlent une vision cynique de « la pêche » qui n’existe plus comme activité autonome, ancestrale et humaine » ajoute Claire Nouvian. « Il ne s’agit plus de pêche mais de captation des ressources marines sauvages par la grande distribution sur le dos des contribuables » s’indigne-t-elle. « Tout cela, ne l’oublions pas, avec des méthodes de pêche destructrices déployées dans les milieux marins les plus vulnérables des océans qui comptent des organismes multimillénaires comme les coraux profonds. » Pour trois espèces ciblées principales, les navires de la Scapêche rejettent plus de 100 autres espèces profondes par-dessus bord. « Des espèces inutiles d’un point de vue commercial mais indispensables au maintien de la diversité biologique marine… Des créatures dont on ne sait presque rien mais dont certaines, comme les requins profonds, sont déjà menacées d’extinction. »

Déjà critiquable pour ses pratiques de pêche profonde au chalut de fond, la réalité comptable de la Scapêche révèle d’autres tares qui expliquent sans doute que la société ait souhaité dissimuler ses comptes. Une analyse du poste « carburant » par exemple révèle qu’en dépit d’une détaxe qui le réduit de moitié, celui-ci représente plus de 25 % du chiffre d’affaires de la flotte. Sans la détaxe sur le carburant consentie à tous les professionnels du secteur, le poste gasoil atteindrait 50 % du chiffre d’affaires et porterait la perte d’exploitation moyenne à 33 % de celui-ci. « Les dépenses en carburant, qui n’ont cessé d’augmenter avec les années et sur lesquelles les opérateurs n’ont d’autre moyen de contrôle que la modernisation de leur flotte, rendent l’équation quasi impossible à résoudre, voire absurde : l’augmentation de productivité des bateaux n’est pas infinie et la capacité d’investissement des sociétés de pêche est forcément limitée » analyse Denis Berger.

« Nous espérons que les données rationnelles que nous apportons au débat permettront de générer une discussion objective sur la réalité de la pêche profonde au chalut de fond. Il s’agit de savoir si cette pêche, caractérisée par un impact environnemental très important et une absence de viabilité économique correspond à ce que les citoyens et les Parlementaires définissent comme une pêche désirable pour l’avenir des hommes et des océans, notamment à l’aune des objectifs ambitieux de la Politique Commune de la Pêche tels qu’ils ont été votés par le Parlement à Strasbourg le 6 février dernier » conclut Claire Nouvian.

 


[1]En vertu de l’article 232-21 du Code de Commerce.

[2]Source : comptes Scapêche certifiés par KPMG (sauf erreurs ou omissions involontaires de notre part).

[3]Le résultat courant est le résultat d’exploitation auquel on ajoute les produits financiers et auquel on soustrait les pertes financières.

Les analyses de BLOOM de 2013 basées sur les comptes obtenus pour 2009, 2010 et 2011, confirment ce que BLOOM avait déjà révélé en 2011 sur les comptes antérieurs :

Lire 100% des français financent la pêche destructrice

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