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04 juillet 2013

Aides d’Etat à la pêche : la loi du silence enfin rompue

En 2010, lors d’une réunion de suivi du Grenelle de la Mer, un employé du Ministère de l’Agriculture et de la Pêche avait mentionné l’existence du rapport que Le Nouvel Observateur révèle sur son site, mais ce document s’était ensuite avéré impossible à trouver.

Il refait surface aujourd’hui pour provoquer ce qui devrait être une lame de fond irréversible, la secousse dont les pouvoirs publics ont besoin pour se ressaisir et éviter le délitement de l’activité de pêche et des ressources marines en France.

Les pouvoirs publics responsables de l’échec économique de la pêche

On comprend aisément, à la lecture du bilan dressé par la Cour des Comptes, pourquoi les autorités concernées ont cherché à le faire disparaître, car le rapport pointe la responsabilité des politiques publiques dans l’échec économique de la pêche française. Plus difficile en revanche de comprendre pourquoi la Cour des Comptes, qui assume régulièrement des évaluations sans concessions, a enterré ce dossier. Le rapport décrit précisément les mécanismes de décision et d’influence qui ont mené le secteur à la déroute socio-économique et écologique qu’il connaît aujourd’hui, mais en acceptant de soustraire aux regards parlementaire et public un bilan aussi alarmant de la pêche en France, la Cour des Comptes entérine les procédés qu’elle dénonce.

Une bombe qui met fin au règne de l’opacité

Ce rapport est une bombe, et il était grand temps qu’elle explose. Pourquoi ? Parce qu’en dressant leur très longue liste de griefs, les rapporteurs indiquent aussi les solutions à mettre en œuvre. Plus de temps à perdre pour mettre fin à l’hémorragie de la pêche française ! Le gros du travail est fait, il ne reste plus qu’aux parlementaires, à la société civile et aux pêcheurs artisans, laissés pour compte des pouvoirs publics, de se saisir de ce dossier pour formuler des propositions et faire contre-poids aux lobbies industriels qui ont domestiqué les processus décisionnels ainsi que nombre d’élus. Une mesure à appliquer d’urgence : imposer à la Direction des pêches maritimes et de l’aquaculture (DPMA) la transparence qui lui fait défaut. Finis les petits arrangements à huis clos qui mènent la barque publique vers le gouffre. Les enjeux sont de taille : emplois, sécurité alimentaire, équilibre budgétaire de la France, reconstitution des stocks de poissons et des écosystèmes marins, autrement dit le substrat écologique sans lequel le secteur n’atteindra jamais la performance économique, qui est seule apte à assurer sa pérennité.

Pourtant, un éclaireur avait tiré l’alarme…

En 2008, le chercheur Benoit Mesnil de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) avait dressé un bilan assassin de trente années d’aides publiques à la pêche, qu’il décrivait comme un « élément intrinsèque » et « tabou » de l’économie de la pêche. Dans son travail, « Public-aided crises in the French fishing sector », paru en anglais dans une revue scientifique, Benoît Mesnil démontrait que les subventions publiques étaient accordées au secteur de la pêche sans cohérence, objectifs ou contrôle, et résultaient principalement de la pression exercée par les pêcheurs ou leurs représentants sur les pouvoirs publics, qui craignaient leurs représailles et les troubles de la paix sociale dont ils s’étaient montrés capables. Mesnil avait également calculé que le montant total des aides à la pêche avoisinait le chiffre d’affaires du secteur…

La présidence de l’Ifremer complice de l’omerta

Comment expliquer qu’une analyse aussi pertinente pour la saine conduite des affaires publiques et d’un secteur de l’économie ait connu une diffusion aussi confidentielle dans les médias français ? La responsabilité est à chercher du côté de la présidence de l’Ifremer. Les rares journalistes qui prirent connaissance des résultats explosifs de l’étude de Mesnil et tentèrent de le joindre, comme Yves Miserey du Figaro, se heurtèrent au barrage de la direction de la communication de l’Ifremer qui ne permit pas la mise en relation. Mais Yves Miserey n’en était pas à ses premiers déboires avec la direction de l’établissement de recherche. En 2005, alors qu’il préparait un article intitulé « Surpêche : le cri d’alarme des experts français » rendant compte de la première étude globale de l’Ifremer sur l’état dégradé des ressources halieutiques en France, Yves Miserey avait reçu un appel de la direction de l’Ifremer l’enjoignant à ne pas publier son papier. Furieux de cette tentative de contrôle, il avait proposé à l’individu de le citer dans son article mais ce dernier s’était empressé de raccrocher. Les chercheurs interviewés au cours de l’enquête avaient, quant à eux, parlé sous condition de pouvoir conserver l’anonymat, de peur d’irriter les pêcheurs, leur ministère de tutelle (agriculture et pêche) et leur président. Or celui-ci n’est autre que… l’ancien directeur de cabinet du ministre de l’agriculture et de la pêche de 2002 à 2004 : Jean-Yves Perrot, un énarque parachuté à la présidence de l’Ifremer en 2005. Une cheville ouvrière du système opaque des subventions, de la surcapitalisation de la pêche industrielle, de l’érosion lente et certaine de la pêche artisanale, de la perte de rentabilité des entreprises et du déclin des ressources en poissons.

Pas étonnant que dans ce contexte, les chercheurs de l’Ifremer craignent de prendre position publiquement sur les sujets « pêche » : le terrain est miné politiquement. D’autres ont sauté avant eux donc ils rasent les murs et se morfondent quand apparaissent de nulle part sur le site de l’Ifremer des « dossiers d’actualité » téléguidés politiquement, qui n’ont rien de scientifique, dans lesquels l’Ifremer affiche officiellement son soutien à la pêche au chalut profond et fournit ainsi aux rares élus bretons qui défendent encore cette pratique industrielle destructrice, déficitaire, subventionnée et profitant essentiellement à la flotte d’Intermarché, la seule justification dont ils disposent.

Rendez aux chercheurs de l’Ifremer leur dignité et liberté de parole !

La responsabilité qui incombe à la présidence de l’Ifremer sur le dossier pêche profonde est lourde car elle engage la crédibilité d’élus bretons qui font assez naturellement confiance à l’Institut et répètent publiquement les éléments biaisés et indéfendables qu’un ou deux individus concoctent, au grand dam des autres chercheurs effarés par la tournure politisée à l’extrême de ce dossier, alors que cette pêche est résiduelle, non viable, et que l’Ifremer en a moult fois décrit l’impact écologique inacceptable.

Le rôle de l’Ifremer sur la pêche profonde a évolué au fil du temps : de « marchand de doutes », dont la tâche était de retarder ou d’empêcher la prise de décision publique pendant le Grenelle de la Mer (https://www.bloomassociation.org/download/CPSortieMPP.pdf), l’Ifremer est désormais passé à « supporter officiel », même si l’institut doit, pour cela, entamer sa crédibilité scientifique sur la scène internationale, ce qui est chose faite. La marque « Ifremer » est désormais associée à Bruxelles à la flotte d’Intermarché et au lobby breton (les députés européens de la région Bretagne Isabelle Thomas (PS) et Alain Cadec (UMP), tous les deux alignés sur les positions de l’industrie, sont prompts à citer les écrits sans statut scientifique de l’Ifremer mais ignorent étrangement les dizaines de publications contradictoires pourtant parues dans des revues scientifiques internationales).

Au lieu de traquer les rares signataires de l’Ifremer qui ont osé apposer leur nom au bas de la déclaration de centaines de chercheurs internationaux en faveur de l’interdiction du chalutage profond (https://www.bloomassociation.org/declaration-de-soutien-pour-proteger-les-eaux-profondes), le Président de l’Ifremer ferait mieux d’engager ses équipes dans une réflexion approfondie sur la façon de mettre fin à la frustration grandissante des employés de l’établissement qu’il dirige. Avec pertes et fracas.

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